Les Orchidées rouges de Shanghai

par Eonni  -  21 Juin 2022, 13:12  -  #Corée, #livre, #Histoire, #auteure française

Résumé

 

Sang-mi ( de son nom japonais Kawamoto Naomi) est une jeune coréenne qui est née pendant l’occupation de la Corée par le Japon (29 août 1910-15 août 1945).

Elle est enlevée à la sortie de l'école par des soldats japonais en 1937 à l’âge de 14 ans. Sang-mi va être enrôlée de force pour travailler dans les "maisons de réconfort" qui suivent l'armée japonaise dans leur expansion.

Son périple qui va durer 8 ans va la conduire dans plusieurs pays au gré de l’avancée de l’armée nipponne sur le territoire asiatique. Elle sera tour à tour esclave, prostituée de luxe, cobaye d’expériences nazies, traductrice, espionne à la solde des Japonais, tout en gardant sa dignité et surtout l’espoir de revoir son pays.

 

 

 

Informations pratiques

 

  • Les Orchidées rouges de Shanghai de Juliette Morillot
  • Presses de la Cité, 2001. Réédition en 2022 augmentée d'une nouvelle préface et de notes explicatives ( très utiles).
  • 504 pages

 

 

 

Biographie courte de l’auteure

 

Juliette Morillot née en 1959 à Bar-le-Duc en Lorraine , est une journaliste française et fut professeure à l'université nationale de Séoul en 1987.

Elle est spécialiste de la Corée du Nord et du Sud. Elle a notamment vécu en Corée, à Singapour, en Indonésie et en Allemagne. Elle a obtenu une maîtrise de muséologie, option Extrême-Orient, à l'École du Louvre en 1983. Elle a obtenu son DEA en études coréennes, sous la direction d'André Fabre, sur l' Histoire de la Corée/Société/ littérature du XIX° à nos jours à Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) en 1984. Elle y étudie aussi le russe, le tchèque et le japonais.

Ouvrages

  • Le Palais de la colline aux nuages, Plon, 1993. (Roman historique sur l'assassinat par les Japonais de la dernière reine de Corée)
  • Tout sur ... La Corée. Le pays du matin clair, Souffles, 1988, 1990, 1996.
  • La Corée, montagnes, chamanes et gratte-ciel, Autrement, 1998.
  • Les Orchidées rouges de Shanghai, Presses de la Cité, 2001.
  • La Corée : Terre des Esprits, Hermé, 2003.
  • Évades de Corée du Nord avec Dorian Malovic, Presses de la Cité, Belfond, 2004. (Premier livre de témoignages directs auprès de Nord-Coréens publié en français), Prix du Meilleur livre d'investigation 2005
  • Les Larmes Bleues, Plon, 2009. (la Corée des années 1960 à travers le destin des lépreux de l'île de Sorokto)
  • Les Sacrifiés, Belfond, 2012. (L'affaire Proudlock, en Malaisie)
  • La Corée du Nord en 100 questions avec Dorian Malovic, Tallandier, 2016. Prix du meilleur livre Géopolitique Axyntis/Conflits 2018
  • L'avenir de la Corée du Nord avec Antoine Bondaz, Institut Diderot, Paris, 2017,
  • Le Monde selon Kim Jong-un, avec Dorian Malovic, Robert Laffont, 2018
  • Mijin, confessions d'une catholique nord-coréenne, avec Dorian Malovic, Bayard, 2020 (vie quotidienne, intimité d'une femme, chamanisme, spiritualité)
  • La Corée du Sud en 100 questions, Tallandier, 2022

 

Quelques points historiques et culturels

 

« Depuis le 22 août 1910, la Corée avait cessé d’exister pour devenir, dans l’indifférence des nations occidentales, une province de l’Empire japonais . »[1]

 

 屄 « chosen bbi » ou « vagin coréen » nom donné par les Japonais à Sang-mi. « Etymologiquement, un « trou » 穴 sous un « corps » 尸. Plus précisément sous un « cadavre ». Elles furent des centaines de milliers, coréennes, chinoises mais aussi malaises, javanaises, philippines et même hollandaises et australiennes, à être arrachées à leur enfance, à leur vie, pour être enrôlées de force comme femmes de réconfort (traduction littérale du mot japonais ianfu), au service de l’armée nippone. Pour le Japon, le problème a été réglé « complètement et définitivement » avec le versement d’indemnités e 1965 à l’occasion de l’accord de reprise des relations diplomatiques entre les deux pays. La statue de bronze érigée en 2011 à Séoul d’une petite fille en hanbok assise sur une chaise tournée vers l’ambassade du Japon, comme un éternel reproche et désormais devenue le symbole du combat des femmes de réconfort. » [2]

 

 

 

La chronologie

 

Première époque - Le rapt (Séoul (Keijō durant l’occupation), Mokpo (Corée), Mandchourie (Mukden Chine))

Deuxième époque - Le cauchemar (Mandchourie (Mukden Chine),Shanghai(Chine))

Troisième époque - La trêve ( Shanghai (Chine))

Quatrième époque - Le feu ( Harbin (Chine) , Hankou ( Chine) , Hainan ( Chine), Malaisie)

Cinquième époque - Le crépuscule ( Malaisie, Batavia (Java) , Singapour, Hiroshima ( Japon) )

 

 

[1] Les Orchidées rouges de Shanghai

[2] Les Orchidées rouges de Shanghai

Les Orchidées rouges de Shanghai
Mon avis

 

Je ne veux pas spoiler ce lire car c’est un livre tellement important pour moi que je souhaite juste laisser les personnes découvrir ce chef-d’œuvre par eux-mêmes.  Mais j’ai besoin d’en parler alors je vais écrire mon opinion, mon ressenti.

 

Attention : Il va de soi qu’au vu du sujet, ce livre n’est pas recommandé pour les plus jeunes même si les atrocités ne sont pas détaillées de façon malsaines mais nous comprenons sans peine la souffrance. Je suis de nature assez sensible (oui je pleure en regardant des films ou des séries) alors lire certains passages m’ont tellement touchée, écœurée vu que j’étais imprégnée par cette histoire que j'ai dû faire une pause dans ma lecture afin de me remettre de mes émotions. Qui ne peut pas être affecté par cette histoire !

 

Dès le début de périple, on a déjà énormément de peine pour Sang-mi car nous savons vers quoi elle se dirige alors qu’elle est toujours dans la naïveté de l’enfance « J’ignorais alors tout,  des relations entre hommes et femmes. Si ce n’est les instructions que l’on donne aux filles en Corée : ne jamais faire irruption dans une pièce quand devant la porte de celle-ci sont placées en évidence deux paires de chaussures appartenant aux sexes opposés. Là se bornaient mes notions de sexualité. »  et aussi quand elle rencontre un étranger est qu’elle est tellement heureuse alors que l’on comprend que c’est un médecin Nazi envoyé via le pack germano - japonais, on a juste envie de lui dire de s’enfuir ( oui c’est un livre mais on ne peut que s’attacher à Sang-mi et on veut l’aider).

 

Ce qui peut paraître perturbant c’est que l’on pense que l’on va lire l’histoire d’une femme mais au fil du livre et des aventures nous avons des doutes. Je pense que c’est plus tôt l’histoire de plusieurs femmes que Sang-mi représente. C’est une façon très captivante de nous faire percevoir comment toute l’Asie a vécu cette expansion du Japon et nomment les femmes car en cas de conflits elles servent souvent de trophées, de récompenses etc. D’ailleurs l’auteure à la fin du livre le précise « Ce roman est basé sur des faits historiques et de nombreux témoignages. Néanmoins, pour les besoins de l’histoire, l’auteur a parfois simplifié le cours des événements, notamment afin de respecter les souvenirs parfois confus de Mun halmeoni[1]» Je pense que ce mot de l’auteur devrait se trouver au début du livre pour éviter le moment où on se dit « c’est trop gros pour être vrai », entachant un peu le côté « histoire vraie ».

 

Les descriptions sont juste magnifiques et d’une précision telle que l’on a l’impression d’y être, aussi bien visuellement : description des paysages, de la Corée de l’époque, de la Chine de l’époque etc. des détails anodins donnant encore plus de précision et de réalisme mais aussi la description des tenues, des subtilités vestimentaires, des personnages secondaires également, qu’au niveau sensoriel (la description des odeurs).

Ayant pu visiter certains endroits présentés dans le livre, je pouvais comparer et constater que certaines choses n’avaient pas changer et d’autres fortement mais même les endroits inconnus, j’arrivais à me les représenter, je pouvais imaginer et suivre Sang-mi. J’aime beaucoup les livres avec des descriptions cela donne un côté poétique mais également un côté réaliste ( certains pensent que cela coupe l’histoire au contraire la description ancre l’histoire dans la réalité).

 

Voici un passage que j’ai trouvé intéressant car sous couvert d’une certaine banalité et rigueur ( liée sans doute au côté militaire ), l’armée a réussi à complétement inhumaniser la femme, il s’agit juste d’une attraction, d’un bien dont on dispose pendant 30 minutes « Aujourd’hui, je le livre de mémoire. Sa lecture ne requiert aucun commentaire :

  • L’entrée n’est autorisée qu’au personnel militaire et paramilitaire.
  • Les visiteurs doivent payer à la réception, au rez-de-chaussée, en échange de quoi ils reçoivent un ticket et un préservatif.
  • Le prix du ticket est de 2 yens pour les soldats, 3 yens pour les officiers et les membres de la police.
  • Le ticket n’est valable que pour une seule visite. Une fois le client entré dans la chambre, le ticket ne peut plus être remboursé.
  • Une fois muni de son ticket, le visiteur se rend à la chambre dont le numéro figure sur le ticket.
  • Le visiteur doit remettre son ticket à l’hôtesse. Il dispose alors de trente minutes exactement.
  • La consommation d’alcool dans les chambres est strictement interdite.
  • Les visiteurs, une fois le service rendu par l’hôtesse, sont priés de quitter l’établissement dans les plus brefs délais.
  • Toute infraction au règlement ou à la discipline militaire sera immédiatement rapportée à la hiérarchie militaire et sévèrement punie.
  • L’emploi du préservatif est obligatoire.
  • Horaires d’ouverture : l’établissement est ouvert quotidiennement, veilles et jours de fêtes inclus.

— Soldats : de 10 h à 17 h.

— Officiers, membres de la police militaire ou du kempeitai : de 13 h à 21 h. [2]»

 

J’ai aussi beaucoup aimé le côté linguistique car on peut lire différentes langues (français, anglais, coréen, japonais, chinois, malaisien, allemand etc. ) avec parfois une petite analyse de termes qui est toujours instructif.

 

Pour les amateurs d’histoire et notamment de l’histoire de l’Asie, ce livre est pour vous. J’ai appris beaucoup de choses notamment que les Japonais avaient eux aussi leurs camps de concentration dans lesquels ils faisaient des expériences sur les prisonniers pour ensuite les utiliser sur les populations et notamment la Chine. D’ailleurs en faisant par la suite des recherches sur YouTube j’ai trouvé quelques vidéos parlant de ce sujet et des atrocités de l’armée japonaise. « Étonnamment » après la lecture de ce livre, j’avoue que je ne voyais plus les Japonais de la même façon vivant en Chine et ayant vécu en Corée, j’avais vu l’animosité entre la Chine et le Japon et la Corée et le Japon mais je n’avais pas conscience de tout l’aspect historique.

 

Mais il ne faut pas prendre ce livre comme un livre de haine, à l’inverse c’est un hymne à la vie. C’est un livre qui donne du courage, qui nous montre qu’il ne faut jamais plier face aux difficultés et continuer d’avancer même si tout semble perdu. Que même dans l’atrocité du moment, on peut rencontrer des personnes exceptionnelles que les petits détails de la vie nous offrent des moments joies et de bonheurs. On dit souvent que l’on apprend l’histoire pour ne plus refaire les mêmes erreurs ( mouais ), ce livre en plus de nous apprendre l’histoire nous fait prendre conscience également de la part sombre de l’humanité que c’est un combat quotidien pour ne pas sombrer. Il ne faut pas croire que cela est derrière nous et que cela ne va plus jamais se reproduire « L’horreur a cela d’inhumain qu’à force de la côtoyer, prenant les habits du quotidien, elle se fait oublier. »

« La Chine qui avait longtemps protégé notre peuple du temps du glorieux empire de Qing, se trouvait, elle aussi, pieds et mains liés face à la barbarie japonaise. Je l’avais crue forte, mais je comprenais qu’après les Anglais qui avaient voulu l’asservir avec l’opium, elle devait maintenant affronter un ennemi plus monstrueux encore car dépourvu d’humanité, le Japon. [3]»

 

 

Sources : https://fr.wikipedia.org/wiki/Juliette_Morillot#

Les Orchidées rouges de Shanghai

 

[1] Les Orchidées rouges de Shanghai

[2] Les Orchidées rouges de Shanghai

[3] Les Orchidées rouges de Shanghai

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